Par Dr Duc-Minh Lam-Do DMD
Le frein de langue trop court, communément appelé ankyloglossie par les professionnels de la santé, est une pathologie congénitale caractérisée par l'adhérence ou la "ligature" du tissu lingual au plancher de la bouche. Le terme "ankyloglossie" dérive de deux mots grecs, "agkilos" ou courbe, et "glossa" ou langue. Cette pathologie peut restreindre considérablement la mobilité globale de la langue. Le frein de langue trop court représente un défi clinique difficile pour les médecins et nécessite généralement une approche interdisciplinaire pour une gestion efficace du cas.
Frein de langue trop court
[Source : Kotlow L. Infant reflux and aerophagia associated with the maxillary lip-tie and ankyloglossia (tongue-tie). Lactation Clinique. 1er Déc. 2011;2(4):25-9.]
Aérophagie signifie littéralement "manger de l'air". Normalement, un nourrisson qui a avalé de l'air l'élimine par des éructations ou des flatulences. Le fait d'avoir des freins buccaux restrictifs peut retarder l'efficacité globale du mécanisme de prise du sein d'un nourrisson. Par conséquent, les nourrissons souffrant d'un frein de langue trop court ou d'autres freins buccaux restrictifs peuvent souvent développer une aérophagie spontanée, c'est-à-dire avaler des quantités excessives d'air dans leur système digestif. Cette situation peut entraîner des symptômes tels que des éructations, des ballonnements ou des flatulences, voire un reflux.
Une entrée continue d'air dans le tractus gastro-intestinal peut entraîner une distension gastro-intestinale. L'augmentation de la pression à l'intérieur de l'estomac peut pousser son contenu dans une direction rétrograde. Lorsque cela dépasse la pression générée par le sphincter œsophagien inférieur, le contenu gastrique peut se retrouver dans l'œsophage. On parle alors de reflux induit par aérophagie du contenu gastrique. Cette situation peut s'aggraver si le contenu gastrique pénètre dans les voies respiratoires et provoque une détresse respiratoire.
L'aérophagie chez un bébé ayant un frein de langue trop court se manifeste de façon caractéristique après la prise d'un repas. Elle peut provoquer une pléthore de symptômes qui peuvent être reconnus par la mère et/ou un médecin qualifié. Il s'agit notamment des symptômes suivants :
Aérophagie provoquant une distension abdominale
[Source : Kotlow L. Infant reflux and aerophagia associated with the maxillary lip-tie and ankyloglossia (tongue-tie). Lactation Clinique. 1er Déc. 2011;2(4):25-9.]
Un médecin peut détecter la présence d'air dans l'estomac par auscultation à l'aide d'un stéthoscope. Par ailleurs, une grosse bulle d'air gastrique est visible sur une radiographie abdominale.
Les cliniciens font souvent l'erreur de diagnostiquer cette affection comme étant un reflux gastro-œsophagien ou RGO. Le reflux gastro-œsophagien est un état pathologique dans lequel le nourrisson peut présenter des signes de mauvaise alimentation, un retard de croissance et des vomissements persistants. Cependant, il est essentiel de rechercher des antécédents d'ankyloglossie ou d'autres freins buccaux restrictifs, ainsi que toute difficulté d'allaitement rencontrée par le nourrisson ou la mère. Un examen clinique approfondi de la cavité buccale peut permettre de révéler de nombreux éléments diagnostiques importants.
Outre les symptômes d'irritation provoqués, l'aérophagie sévère peut également exposer le nourrisson à certaines complications. Ces problèmes aigus rares sont les suivants :
Étant donné que le frein de langue trop court est la principale étiologie sous-jacente à l'aérophagie et au reflux induit par l'aérophagie, il est tout à fait raisonnable de prendre en charge le frein de langue trop court. Bien que les inhibiteurs de la pompe à protons (médicaments qui inhibent la sécrétion d'acide gastrique, tels que Zantac ou Prevacid) aient été proposés comme option de traitement, ils ne sont pas efficaces pour réduire l'irritabilité d'un nourrisson.
La prise en charge du frein de langue trop court s'articule autour des approches d'intervention suivantes :
Une simple frénulotomie comporte un léger risque de formation d'une cicatrice qui pourrait altérer la mobilité de la langue pendant la période postopératoire. Cette technique a suscité quelques inquiétudes et les chirurgiens pédiatriques préfèrent désormais une autre procédure, à savoir la frénectomie. C'est également l'option opératoire préférée en présence d'un frein très épais.
Cette méthode se distingue de la précédente par le fait qu'elle implique la fermeture de la plaie au moyen de techniques de suture, chez les enfants et les adultes. Une suture résorbable est généralement nouée pour rapprocher les bords de l'incision, ce qui permet au chirurgien de minimiser le risque de contractures sur la base de la langue. Mais de nos jours, la chirurgie au LASER est une alternative utile qui minimise cette incidence.
Chirurgie de la langue
[Source : Reddy NR, Marudhappan Y, Devi R, Narang S. Clipping the (tongue) tie. Journal of Indian Society of Periodontology. Mai 2014;18(3):395]
Le risque de complications chirurgicales, telles que les hémorragies ou les infections, est minime. L'intervention n'entraîne qu'une douleur limitée et le rétablissement est aussi rapide que pour la frénulotomie. L'allaitement peut être repris peu de temps après l'intervention.
Une étude rapporte que plus de 50 % des nourrissons peuvent bénéficier d'une frénectomie en termes de symptômes associés au reflux. Parmi les nourrissons dont les symptômes sont rarement soulagés après l'opération, la majorité présente généralement une autre étiologie du reflux.
INSTITUT D'ANKYLOGLOSSIE DE MONTREAL
Premier centre de soin compréhensif au Québec dédié à une approche multidisciplinaire pour la gestion et le traitement des freins symptomatiques labial et lingual (ankyloglossie).
Notre mission est d’aider les bébés et enfants ayant cette condition à améliorer leur fonction durant l’allaitement, mais aussi au niveau de la respiration, déglutition, croissance crânio-faciale et l’élocution. Notre équipe est composée de consultantes en lactation IBCLC, chiropraticiens pédiatriques et ostéopathes, sage-femmes, infirmières et médecins, thérapeutes oro-myofonctionnels, orthophonistes et ergothérapeutes.